Et voilà, la saison de cascade est quasiment terminée. Il y a dix jours à peine je faisais encore l’ascension de la superbe Ilinx, voisin de la Dame du Lac. Encore une fois dans la salle du tour de rôle de la Compagnie des Guides de Chamonix, je proposais à Patrick Pessi s’il voulait partager l’aventure. Le lendemain, arrivant au parking du lac de Montriond, je m’assure que Patrick a bien pris les cordes comme il me semblait qu’on l’avait convenu. Connaissant son humour à froid je ne me questionne pas lorsqu’il me dit qu’il n’a qu’un brin. Avant de fermer la voiture je m’assure cependant qu’il a bien pris deux brins. Ce qui n’est pas le cas ! Ayant par chance un brin de 50 m. dans le coffre je le prends tout en « rulant » durant toute l’approche. Nous sommes trois, car Elisa, la femme de Patrick est aussi du voyage, avec 2 brins de longueurs et de diamètres différents. Qu’à cela ne tienne, être guide c’est aussi savoir s’adapter et parfois gérer l’imprévu… J’attaque bille en tête encore occupé à penser à ce problème de corde. Mais rapidement la glace me rappelle à l’ordre, (« je vais m’en coller une si ça continue ») et m’oblige à me concentrer sur l’action en cours. Une longueur raide et délicate où la glace bien travaillée sera qualifiée de bizarre par l’ensemble de la cordée. Arrivant à un emplacement de relais confortable et abrité, doté d’une magnifique double lunule réalisée par Damien Tomasi quelques jours auparavant (c’est lui qui m’avait donné les infos) je m’y arrête, regrettant toutefois de ne pas disposer de 60 m. de longueur de corde pour gravir la belle colonne qui domine. Mais bon, nous sommes 3 et… avec une corde hétérogène, etc., etc.
Encore de belles longueurs (un peu courtes à mon goût !) et nous voilà descendant en rappel sur les belles lunules, je devrais dire les œuvres d’art de Damien. Suspendu sur un rappel, j’entends des grimpeurs, rencontrés le matin sur le parking, me criant que ma corde n’est pas équilibrée. Me croyant peut-être distrait, il préfère me le signaler ce qui est louable, mais merci je sais… Quant à eux, après avoir renoncé à leur projet d’ascension d’Havane, une autre cascade du secteur parce que trop fragile, ils sont venu faire des moulinettes au pied de la Dame du Lac qui semble fragile en cette fin de saison. Ils ne semblent pas sensibles au potentiel risque d’effondrement. Pour notre part nous préférons quitter les lieux rapidement pour nous décaler le plus possible de l’axe de chute de cette énorme masse de glace.
Quelques jours plus tard j’essayais d’aller à Cognes, pourtant réputé pour garder de bonnes conditions jusque tard en saison. Et je découvrais un site saccagé par les températures largement positives. Plus je montais et plus l’air se réchauffait. Devant ces cascades trop mûres à mon goût je décidais que le plus sage était encore de rentrer à la maison.
Désormais pour la glace il faudra se tourner vers les goulottes et cascades d’altitude en souhaitant que la saison prochaine soit de la même qualité que cette année tout en espérant qu’elle dure quelques semaines de plus.
Photos : Patrick Pessi, François Marsigny.