En route pour une deuxième dizaine.
Pendant cette ascension avec Pierre, j'ai compris pourquoi
cette face me fascine autant.
Cette fabuleuse paroi, la face nord de l'Eiger, au-dessus du village de Grindelwald et à deux pas de la Kleine Scheidegg permet à l'alpiniste de se lancer dans une aventure très forte peu de
temps après avoir quitté le monde des hommes. Juste le temps d'une petite marche d'approche pour rejoindre le pied de la voie depuis la Kleine Scheidegg, trop courte pour se poser trop de
questions sur les conditions que l'on va retrouver dedans.
C'est ça la magie de l'Eiger, on quitte le chaud, la lumière, les bruits pour se retrouver quelques instants plus tard dans le silence, l'ombre, le froid, la solitude, le doute et
l'engagement. Car elle est haute cette montagne et l'itinéraire, long, très long...
Au fil des années, ma relation avec cette face nord est devenue une véritable passion. Un seul paramètre était important pour moi avant de la rejoindre : la météo.
Les conditions que j'allais trouver dans ses flancs n'avaient pas place dans la décision, j'avais envie de cette confrontation pour mon équilibre, ma vie, tout simplement.
Et jamais je n'ai été déçu car il y a toujours eu des moments très forts vécus avec mes compagnons qui nous permettaient de nous rapprocher un peu plus de nos limites.
En 2007 par exemple avec Valery, partis dans une face toute blanche et très chargée, après trois bivouacs , le bonheur était au rendez vous, au bivouac Corti, dans les fissures de sortie et la
joie intense au sommet.
Cette année avec Pierre, au moment où nous étions dans la fissure difficile, une cordée nous rejoint une longueur en-dessous. Super, je dis à Pierre, ça va être top d'avoir enfin des traces, ils
vont nous rattraper et ensuite ce sera des vacances jusqu'au sommet ! C'est trop bon d'avoir juste à suivre, le rêve...
Seulement, la cordée a décidé de faire demi tour.
Intérieurement, je me suis dis : "tu n'allais quand même pas t'en tirer comme ça..."
Après deux bivouacs, on s'est retrouvés avec Pierre sur la calotte sommitale, un immense bonheur en nous.
L'engagement avait été au rendez- vous avec une obligation pour nous de composer sans cesse avec la montagne.
De cette relation très forte avec l'Eiger est né, au fil des années, un bonheur, intense et toujours proportionnel au degré d'engagement que nous acceptons de vivre.
Pierre, merci pour ta force, ta motivation, ton sourire, ton enthousiasme, ta confiance, c'est juste l'essentiel avant de vivre une telle aventure.
Par Christophe Profit, guide de haute montagne.
Engager un guide de haute montagne.