Salut ,
Comment ça va ?
Moi ça roule, on a eu pas mal de créneaux de beau. La Patagonie c'est pas si pire pour la météo. Ou on a eu du "cul" ou alors cette technique de rester à El Chalten et de partir quand c'est bon,
ça permet de faire pas mal de choses.
Dès que nous sommes arrivés avec Julien et Thomas, il y avait un créneau qui se profilait alors on a fait les sacs et on est parti au super couloir du Fitz. C'est vrai qu'à l'approche on se
posait des questions mais la météo a tenu sa promesse et il a fait beau et sans vent, on a pu faire cette belle voie de mixte. La première partie est rébarbative, c'est un couloir de neige avec
quelques passages à 70, mais la seconde partie est plus jolie avec de sympas passages de mixte en bon rocher.
Après nous sommes redescendus dedans. C'était long mais on avait les duvets au pied.
De retour à El Chalten, on s'est reposé 3 jours en pensant qu'on avait eu beaucoup de chance et que si ça se trouvait, il n'allait plus faire beau jusqu'à notre départ (dixit pas mal de
grimpeurs et amis qui sont venus en Pata et qui n'ont eu que 1 ou 2 jours sans vent sur un mois).
Mais cette satanée bonne météo ne veut plus nous lâcher et il faut refaire les sacs, cette fois pour le Pilar Rojo. Juju est malade donc je pars avec Thomas et aussi des amis de Cham (Francois,
Jérôme et Vivien).
Nous montons au passo supérieur et, plus nous montons, plus le vent se calme et le ciel se dégage.
Ce fût une voie majeure de environ 500m, digne de la voie des Anglais au Gröenland...
Nous fûmes toppés à 2 longeurs du sommet à cause de fissures totalement glacées. Nous nous en sommes voulus de ne pas avoir pris un piolet et une paire de crampons.
Malgré tout, nous avons fait la plus belle et raide partie de la voie avec une des plus belles escalades que nous n'ayons jamais fait (que des splitteurs sur 500m, hallucinant). L'ouvreur est
notamment Kurt Albert.
Fatigués et repus d'escalade nous revenons à El Chalten heureux.
Il reste une semaine de vacances à Thomas et Juju. Ils décident de voir autre chose et, donc, vont visiter le parc des Tours du Paines.
Moi je reste à El Chalten avec Jérôme, Ponpon et Vivien. Eux ont fait une superbe tentative au Cerro Torre quand on était à Super Canaleta. Ils butèrent à 30m du sommet. Neige vraiment verticale
sans couloir. Ca aurait pris 4 ou 5 heures de creuser un demi-tunnel. Et ils n'ont pas voulu engager la viande...
Après le Pilar Rojo, nous nous reposons 2-3 jours en croyant que la montagne ne nous laisserait pas une 3ème chance. Et bien non, nous sommes un peu crevés mais il faut refaire le sac. Cette
fois, je vais grimper avec Ponpon et Jérôme, on a jamais grimpé ensemble mais on décide quand même d'aller essayer Royal Flush, car il y aurait un créneau de 3 jours... Hallucinant ! Je ne
comprends plus rien, c'est quoi cette Pata qu'on nous vend comme étant "butogène" à cause de ses vents tempêtueux. Pour nous, il suffit d'attendre 3 jours, le temps de se reposer et un autre
créneau se profile automatiquement !!!
Cette fois, je suis le moins optimiste des 3. Je pense que jamais 2 sans 3 ne peut pas s'appliquer, là on va se prendre un gros but à cause de la météo, qu'on redescendra en catastrophe, que peut
être on aura un gros souci. Statistiquement, je me dis que c'est pas possible... Ca me paraît inconcevable, ça dépasse mon entendement de grimper autant de voies en à peine 2 semaines.
Et sutout la Royale Flush !
Riien que dans le nom de la voie, tu comprends que t'as peu de chances de réussir.
Mais bon, l'optimisme de Ponpon me met dans un meilleure comfig.
"je vois pas pourquoi on prendrait un but..."
Ca me parait dingue. La voie s'appelle Royale Flush mais lui n'y voit aucun problème...
Ca doit être mon côté pessimiste qui me joue des tours !!! Va savoir ...
Nous faisons les sacs une 3 ème fois avec l'idée de passer par la Ferrari avant la 1 ère vire. En effet, tout le monde nous dit que c'est la douche assurée (Jorge, Rolo, et un article de Nico et
Sean).
Nous voilà enfin au pied du big wall (1300m de haut). Nous passons par les dièdres de la Ferrari. C'est nul à grimper, c'est gavé d'échelles, pitons et cordes fixes dégeulasses, c'est dangereux
... Ponpon arrache une échelle entière (en ferraille) de 20m de haut mais heureusement, il est en second. Par quelques longeurs de mixte, nous arrivons tard au bivouac.
Après une nuit de 3 heures sur vire penchée, nous repartons maintenant dans la vraie voie, en escalade libre et sans matos de merde en place ...
C'est hallucinant, les longueurs sont majeures. C'est hyper raide, rocher comme au grand Cap avec que des fissures verrous comme à Indian Creek. La longeur de 7c est passée en artif car
totalement mouillée. Mais à part cette longueur, et une autre vers la fin, c'est sec. On se gave tant en tête qu'en second. Ca "fait bien" en libre. Tu nous gâtes Kurt encore une fois ...
Après une longue journée d'escalade, nous arrivons au bivouac des Italiens à 400m du sommet. Il faut déblayer non pas la neige mais la glace vive de la vire. Ca nous prend longtemps et c'est dur.
On est crevés et on décide de passer la nuit ainsi : moi enroulé dans des cordes pour pas tomber de cette vire hyper penchée, Jérôme assis et fixé à la paroi par sa longe et Ponpon coincé dans
une fissure large et glacée.
Dément ... J'adore ...
Le lendemain, réveil à 5 heures. Nous grimpons encore pas mal de fissures dignes de Astroman mais en mieux !!!
Et progressivement ça se couche. Le terrain devient moins raide, entrecoupé de vires mais l'itinéraire à suivre nous laisse souvent perplexe, les fissures sont glacées. Nous laissons le sac de
hissage et partons légers vers le sommet.
Enfin nous arrivons au sommet. Explosés mais contents. Il est 15h30, il fait grand beau. Cerro et Hielo Continental à perte de vue ... Une vue indescriptible tellement c'est beau.
Nous mettons toute la nuit à redescendre et passons la rimaye au lever du jour (15 horas de bajada ...)
Voilà, je n'en reviens pas encore d'avoir pu réussir cette grande paroi...
Plus tard, on apprendra que des suisses équipés de ledge ont pris un but à 4 longueurs du pied de la paroi dans Royal Flush, car c'était trempé. Nous, en descendant de nuit, on a trouvé ça
grimpable ...
Peut-être que la solution, c'est de grimper de nuit le bas avant la vire. Ou alors de prendre "gaver de pof" et de grimper dans le mouillé.
Là, je me repose. Vivien, Ponpon et Jérome rentrent dans 3 jours à la casa.
Y a un autre créneau de 3 jours qui s'annonce !!!
J'aimerais bien faire le Cerro mais j'ai personne avec qui grimper ...
A revoir à tous.
Rémi Sfilio, guide de haute montagne.