Peu importe que l’on soit grimpeurs, randonneurs ou bien même amateurs de paysages, si l’on passe à Chamonix, on ne peut ignorer la beauté majestueuse de ces deux piliers granitiques que sont les
Drus. Dominant la vallée, on dirait qu’ils ont été placés juste pour nous narguer, nous donnant une invitation ou un défi à les gravir. Mais il suffit de regarder les profils des parois pour se
rendre compte que ce n’est pas gagné d’avance. L’histoire du monolithe nous donne une bonne indication : le premier VI du massif par Pierre Alain, le début du piolet traction dans le couloir
Nord par Cecchinel et Jager ou l’exploit de Bonatti et de Destivelle en solitaire… La liste est longue et parvenir au sommet demande de la préparation et une bonne condition
physique et mentale.
Fin juillet 1935, Pierre Alain et Raymond Leininger atteignent le sommet du petit Dru après 850 m d’escalade dans la face Nord. Cet itinéraire est magique et souvent répété mais il faut prendre quelques précautions. En effet, la première partie passe sous la niche, et quand celle-ci est sèche ou si l’isotherme est trop haut, on est longtemps exposé aux chutes de pierres.
Cet hiver, on a pu réaliser cet itinéraire dans des conditions exceptionnelles. Après plus d’un mois d’anticyclone, le rocher est déjà bien sec, mais avec suffisamment de glace au fond des fissures et sur les vires pour maintenir les gros blocs instables. Pour couronner le tout, un petit vent du sud s’installe, ce qui réchauffe l’atmosphère dans la journée, et nous permet de grimper à mains nues et de mettre les chaussons pour gagner un peu de temps (mais surtout se faire bien plaisir).
On a grimpé en crampons-piolets jusqu’au premier bivouac, un peu au-dessus de la niche. Le bivouac est parfait : sur un pilier se trouvent trois petits étages de deux places chacun qui surplombent la face Ouest. Ils nous apportent à la fois une protection contre les chutes de pierres et un superbe coucher de soleil pour s’enfiler dans les duvets. La deuxième journée, j’ai grimpé en chaussons, et mes collègues faisaient les mules derrière en grosses avec de bons sacs. Nous avons pu saluer la vierge qui se trouve au sommet vers quatre heure de l’après-midi. Plutôt que de descendre de suite et finir à la nuit, on s’offre le luxe d’un deuxième bivouac au sommet. Ce n’est pas tous les jours…
Texte et photos de Paul Dudas, guide de haute montagne.
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