Mont Blanc, juillet 2012.
Gaetan, Justine, Xavier et Marie-Anne
Chapitre I : l’objectif
Maman, pour mes trente ans, j’aimerais monter le Mont Blanc.
Tout commence donc le 26 mars 2012, Xavier heureux papa tout neuf depuis quelques jours lance un
nouveau défi !
Dieu sait pourtant que Lucie est le nouveau défi de cette année 2012. Notre luciole éclaire nos jours dès le 20 mars, à l’aube d’un nouveau printemps, d’une nouvelle victoire sur la vie.
Maman ! Marie-Anne !
J’écoute d’une oreille distraite, volontairement distraite.
Prudence, écoute, analyse, exploration, doute, enthousiasme, folie, fatigue, joie, découverte … peu à peu les mots se transforment en un seul : oui !
Oui, en route pour le Mont Blanc !
Quand ? Qui ? Comment ? La multitude de questions se superpose pour revenir à une date, une équipe et une manière d’agir.
Mardi 3 et mercredi 4 juillet 2012. Marie-Anne, Xavier, Gaetan et Justine. Avec la compagnie des guides de Chamonix.
Ah oui ? Pas si simple la solution ci-dessus !
Un guide pour Marie-Anne et ses fils … eh oui Mamian est trop fière de monter avec ses deux grands garçons.
Les deux enseignants de la famille n’ont pas le choix : début juillet ! Oui, mais alors tout début juillet, nous ne souhaitons pas la foule promise sur la route du Mont Blanc … finalement cette prédiction d’embouteillage ne sera pas plus terrible qu’une montée sur le Bishorn, un des 4000 du fond de Zinal dans le Valais suisse.
Laurence se fâche … un guide ne prend que deux clients, vous comprendrez lorsque vous monterez … nous avons compris !
Merci Laurence, notre intermédiaire de la compagnie des guides de Chamonix est intransigeante et juste.
Nous réservons deux guides pour trois personnes … qui fera la quatrième ?
Jean-François « traile » dans les Dolomites à ces dates, Jey n’a pas les sous, les copains des garçons déclarent forfait.
…. Contre toute attente une petite puce se décide à nous accompagner dans ce défi des trente années de Xavier … par envie, par amour, par conviction ? Nous ne le saurons jamais.
Mais notre puce nous a bien bluffés !! Justine est de la partie et nous ne le regretterons pas.
Gaetan très amoureux ne doute pas du tout des capacités de sa future épouse. Elle sera à la hauteur, elle est à la hauteur !
Seul bémol à notre belle histoire qui commence, la maman de Lucie. Celle qui nous fait le plus cadeau de cette année, ne peut pas nous accompagner et nous avons l’audace de partir sans
elle.
Nous ne te remercierons jamais assez jolie nouvelle maman de nous avoir laissé partir, d’avoir laissé partir le papa, le parrain et la Maman. Notre bonheur sera contagieux et
nous t’embarquerons dans une nouvelle et prochaine aventure !
Toutes les réservations sont enregistrées : les deux guides, la journée de préparation sur la mer de glace, le refuge, l’hôtel et la bonne humeur … seule incertitude de taille, la météo.
Confiant dans nos capacités et dans notre volonté d’aboutir, nous élaborons une longue et précieuse liste du matériel à emporter. Du sac à dos au piolet en passant par toutes les couches
thermiques.
Achat, location, prêt belge et suisse et toute l’équipe se voit doter d’un matériel conséquent et efficace !
Reste à espérer que la montagne nous permettra d’atteindre son sommet le plus haut !
Chapitre II : Chamonix
Le break Skoda Octavia est chargé jusqu’à la gueule et embarque les quatre apprentis montagnards.
Direction : Chamonix, la Mecque des alpinistes et autres randonneurs fous de tous les défis.
Souvenir, découverte, attente, appréhension, joie, tout se confond dans ce break noir qui nous emmène sagement vers notre destination.
Marie-Anne revoit les images de la CCC, les 98 kilomètres parcourus avec succès en 2009. Un départ de Courmayeur et une arrivée au bout de 21h à Chamonix !
Gaetan revoit ses pas sur les échelles de la mer de glace avec le dos alourdi d’un sac et d’une tente à partager
avec ses copains. Il plane encore toujours au-dessus de cette merveilleuse vallée, premier et certes non dernier vol en parapente.
Xavier tient le volant avec conviction et sécurité. « Yack toujours prêt » assure notre destination et nous encourage dans notre objectif.
Justine se demande encore se qu’elle fait là dans cette voiture en direction de Chamonix …
Il pleut, il pleut, encore et encore, de plus en plus fort ! Les visages sont fermés et ne disent rien.
Gaetan n’arrête pas de répéter : « tout ce qui tombe aujourd’hui, ne tombera pas demain » repeat, repeat, we certainly don’t believe him… but …
Route dégagée ! Eh oui, dégagée de voitures mais pas de mauvais temps !
Au bout de huit heures de trajet notre vaillant Yack nous dépose devant « les Campanules » notre petit hôtel aux Houches.
Installation à quatre dans notre petite chambre face à la montagne ! Mais au dessus de la grand route … il y a moins de bruit dans notre
capitale belge ! Et il pleut, il pleut, il pleut !
« Tout ce qui …. » on connaît la suite et on appuie sur repeat repeat …
Découverte de Chamonix !
Aucune vue, pluie, grisaille … repérage des lieux pour le lendemain et visite de courtoisie au bureau
des guides : vous comptez faire le Mont Blanc avec ce temps, avec qui ? Gilles ? Quel Gilles ? Ouais pas sure la météo …
Grisaille sur la ville et grisaille dans nos têtes !
….
…
Marie-Anne appelle Gilles. Non mais, quel Gilles ? Pour nous il n’y en a qu’un seul : notre guide !
Il a pris gentiment contact avec nous, 10 jours avant notre départ … mise au point, questions et réponses … top quoi … une personne de confiance …
Non mais, quel Gilles ?
Mais oui nous montons au Mont Blanc, mercredi sera la meilleure journée de la semaine !
On l’embrasserait pour si peu !
Eh oh, suis pas devin, la météo et la montagne décideront !
Ok !
Mais notre Gilles, notre guide, nous rassure déjà !
Demain 9h à la gare du Montenvers !
Une belle histoire commence …
Chapitre III : La Mer de Glace
Il pleut, il pleut,
il pleut …
« Tout ce qui …. » on connaît la suite et on appuie sur repeat repeat …
Un rayon de soleil pour une belle photo et aussi pour faire connaissance avec … Gilles !
Mise au point rapide et directe, Gaetan ravale ses paroles, on peut faire autre chose que le Mont Blanc s’il fait mauvais temps !
Gilles place les balises et … nous les acceptons.
Nous adorons les petits trains de montagne, tous nos séjours en Autriche nous reviennent en mémoire et notre sang autrichien se réjouit de ce cheminement lent et saccadé.
Découverte des qualités d’un guide : attentif et exigeant avec une belle dose d’humour.
Grâce à lui nous voilà tous équipés avec sagesse pour descendre les échelles vers la mer de glace sous la pluie … « tout ce … » ouais on commence à connaître !
Mer de glace ??? Torrent dégoulinant sur nos têtes, nos pieds, nos mains …. Que d’eau, que de pluie !
Nous chaussons les crampons, une première pour la moitié de notre équipe et une surprise pour Gaetan : merci « randonnée et alpinisme » vous nous avez fourni deux crampons gauches.
La dextérité de Gilles viendra vite à bout de ce contre temps. Autre qualité d’un guide de haute montagne : bricoleur.
Première leçon de vocabulaire technique.
Marie-Anne donne la première bonne réponse mais ce sera la dernière … nous écoutons attentivement les explications et les informations. Pour nous le « sérieux »
commence .
Marche avec crampons, préhension des crevasses, montées, descentes, placement du piolet …
Nous nous appliquons, nous recommençons chaque exercice avec sérieux et déjà avec bonheur, l’exercice nous stimule et nous réjouit.
Un rayon de soleil !!!! Le pique nique est d’autant meilleur, le refuge Paillot et la chaleur réchauffent nos membres
engourdis par la pluie et nos estomacs vides.
Montées, descentes, position des pieds, équilibre … les crampons deviennent nos alliés et allègent nos pas.
Il pleut, il pleut, il pleut, « tout ce … » ensuite …
Nouvelle qualité d’un guide de haute montagne : connaissance scientifique du terrain … les moulins et autres utilités du glacier n’ont aucun secret pour Gilles qui partage ses connaissances
avec Gaetan notre agronome.
Il pleut … mais le brouillard tombe... . A real fucky british fog!
Les randonneurs apparaissent comme des spectres sortant de l’haut de là entre deux rochers assis en position incertaine sur un monticule de glace.
Les échelles !!
Elles apparaissent sortant des limbes intemporelles prêtent à nous accueillir et nous extraire de la mer de glace enfoncée dans le brouillard de plus en plus dense.
Notre installation dans le petit train nous semble une victoire. Bien petite victoire comparée à celle qui nous attend demain et après demain.
L’hôtel du Montenvers ressemble toujours à une beauté effacée des années de gloire de Chamonix, lorsque les dames montaient en robe et non en pantalons.
Chapitre IV : le refuge du Goûter 3817m
Il ne pleut pas !!!
Équipés et secs nous voilà au début de notre fabuleuse aventure !
Téléférique Belle Vue aux Houches, Gilles nous présente Alain notre deuxième guide.
Les Houches s’éloignent doucement, Justine et Marie-Anne sont avec Gilles les seuls européens du téléférique, à croire que toute l’Asie a décidé de gravir le Mont Blanc ce jour. Leur équipement
et leur sévérité forcent notre silence.
Les garçons nous rejoignent et nous prenons le tramway du Mont Blanc pour quelques minutes, la voie étant en rénovation jusqu’au Nid d’Aigle, l’ascension commence dès lors plus bas que prévu, vers 1850m.
Alain commence à parler … et n’arrêtera plus ….
Nous découvrons un deuxième guide très attentif et efficace …
Commence une marche « tranquille, tra’n qi le ! » et surtout bien rythmée, Alain et Gilles sont de vrais métronomes, nous épargnant ainsi la fatigue et nous permettant de jouir du paysage.
Une famille de bouquetins nous accompagne un moment, observant ces bipèdes chargés et silencieux. Qui observe qui ?
Petite pause rapide toutes les heures, pose des sacs, petite restauration et re marche vers le haut.
Le chemin est raide mais bien dessiné et le rythme toujours « tra’n qi le ! » nous arrivons en forme au refuge de Tête Rousse 3167m après 3h de marche.
Nous sommes en confiance, le ciel nous sourit, l’ambiance est détendue, les jambes sont bonnes.
Un bouquetin nous observe, impassible à l’extérieur du refuge, photos photos il est immobile et semble nous guetter. Il ne bouge
pas et ne bougera pas enfermé dans le matériau qui le dessine de façon si ressemblante !
Cette fois le sérieux commence, nous voilà encordés et casqués !
Deux cordées se forment et resteront unies jusqu’au sommet : Alain, Gaetan et Justine suivis de Gilles, Xavier et Marie-Anne.
Montée dans les pierriers, des câbles nous aident pour les passages difficiles et nos guides nous sécurisent à fond entre autre pour le fameux couloir de la Mort ….. Un beau chemin victime de
chutes de pierres si fréquentes !!!
Laurence nous comprenons enfin ta remarque : un guide pour deux randonneurs ! Et nous contemplons les imprudents qui traversent en essayant
de courir pour gagner du temps sur leur vie en faisant dévaler d’autres pierres.
Le mur de pierre se dresse devant nous, nous rangeons les bâtons et nous aidons de nos mains pour mieux avancer, en suivant précautionneusement les traces de nos guides
respectifs. Plus question d’admirer l’environnement, avance, avance et regarde où tu places les pieds, les mains, tire la corde et croise le mieux possible les cordées qui descendent.
Deux heures de montée attentive et hop au dessus de nos têtes se dresse le refuge du Goûter !
La neige apaise l’ambiance et calme les ardeurs, chacun sait que demain très tôt commence le défi !
La yourte métallique du nouveau refuge nous nargue quelques mètres plus loin, alors que nous pénétrons dans l’ancien refuge …. Quel foutoir …. Tout partout et en même temps … du monde, trop de monde et une ambiance très animée …. Heureusement que nous connaissons des refuges plus sympa. Nous comprenons enfin la notion de « trop de monde sur le Mont Blanc ». Néanmoins chacun trouve sa place et son couchage.
Marie-Anne et Xavier s’installent et … s’endorment deux bonnes heures !
Justine et Gaetan profitent de la vue et nous feront envie le lendemain avec leurs photos !
Ding ding ding l’heure du souper ! Serrés les uns contre les autres nous goutons la cuisine de l’endroit … chacun pensera ce
qu’il veut !
Par contre, quel moment intense et riche d’échanges ! Les deux cordées ne font plus qu’une belle équipe dont les six membres n’arrêtent pas de
parler, rire et préparer la suite ….
Chapitre V : le sommet 4810 mètres
2h du matin, petit déjeuner avalé, nous voilà résolus à affronter notre défi : les derniers mille mètres jusqu’au mythique sommet
européen !
Les lampes frontales dessinent un joli serpentin dans la neige, le silence est de rigueur, l’humilité est grande face à cette impressionnante masse
de neige éternelle devant l’éternel !
Une fois de plus la rigueur, l’efficacité et la courtoisie de nos guides propulsent gentiment nos deux cordées vers le sommet dans un rythme soutenu mais ferme.
Le paysage est grandiose, la vallée s’illumine de lampions invisibles. Tel le Petit Prince nous épions l’allumeur de réverbères qui illumine chaque
étoile au firmament de la voute céleste.
Le silence est d’or ! Les yeux se régalent, les sens sont éveillés, une musique traîne dans les oreilles telle une cantate remerciant le créateur, remerciant la nature d’être si généreuse.
Gilles avait raison : les conditions météo sont impeccables, nous ne pouvions rêver mieux. Nous sommes convaincus maintenant de notre désir profond d’atteindre ce sommet puisque le destin nous accompagne si chaleureusement !
Emotion !!! Le sommet !!!!!
Nous nous embrassons avec force, respect et bonheur.
Merci Gilles et Alain votre professionnalisme, votre dévouement, votre gentillesse nous ont monté là haut sans difficulté et avec beaucoup de plaisir !
Pause !
Nous ne nous lassons pas d’admirer en silence et respectueusement le paysage, les étendues, l’inaccessible beauté offerte … la vue porte loin, si loin …. Elle transporte les cœurs et chacun fait son mea culpa … la vie est belle, il suffit d’ouvrir les yeux et de profiter !
« L’acte le plus difficile est celui que l’on croit le plus simple, percevoir d’un regard toujours en éveil les choses qui se présentent à nos yeux » Goethe a tout compris !
Nous entendons le descriptif de nos guides et nous nous laissons rêver vers la Suisse, vers l’Italie, vers la France, vers tous ces sommets dont nous oublierons le nom pour ne retenir que l’immense beauté et l’immense joie de s’en imprégner.
Prosit ! Gaetan a apporté last but not least une lampée de ce merveilleux whisky écossais ramené de pérégrinations dans les Highlands. Santé compagnons, santé Mont Blanc, santé majesté nature !
Le soleil qui se lève transforme le paysage minute après minute, pas après pas, silence après silence.
La nature est merveilleuse et combien féerique !
Déjà la descente s’impose, elle sera douce et brillante, le chemin parcouru le matin nous apparaît dans toute sa splendeur !
Chaque pas nous souffle un regard en arrière, ne jamais oublier le Sommet, le contempler dans toute sa splendeur, accompagner en pensée les cordées qui telles des fourmis travaillent pour atteindre à leur tour le top !
Nous baignons dans une joie complète : nous avons atteint notre but, ensemble, avec plaisir, et nos yeux sont remplis d’images incroyables !
Nos pas et nos guides nous ramènent vers le refuge du Goûter vide de ses randonneurs.
Chapitre VI : la descente
Reste à redescendre vers les Houches … « y a plus qu’à » …
Par bonheur, la vigilance de nos guides nous fait redescendre vers 8h et nous épargne dès lors les rencontres avec les cordées montantes dans le mur de pierre : bien vu les gars, merci !
Chaque cordée descend à son rythme, à sa manière, avec prudence. Nous prenons le temps, sans doute trop de temps pour poser les pieds au bon endroit en toute stabilité.
Gilles et Alain nous assurent et nous font progresser en toute sécurité avec quelques petits coups de gueule bien mérités. Le moindre défaut et la chute sera mauvaise.
Une belle descente technique, nouvelle traversée du couloir de la M. Celui dont on tait le nom dixit Harry Potter.
Retour en douceur au refuge de Tête Rousse !
Nous nous régalons du potage refuge qui nous revigore après toutes ces émotions et ce bonheur incroyable !
Petite surprise agréable, nos guides choisissent de nous faire redescendre par le glacier de Bionnassay !
Justine s’élance pour sa première glissade dans les rampes de neige … suivie de Xavier et Gaetan.
Marie-Anne ne réfléchit par trop et s’élance, maladroitement dans la première rampe. Heureusement les jambes d’Alain freinent l’élan de la Mamian qui continue comme les jeunes à s’éclater dans les descentes neigeuses.
Sur ce coup, notre puce de Justine est certes la meilleure d’entre nous !
Le soleil brille, pique et nous sourit ! Il ne nous a pas lâchés !
Déjà le retour et le regret : déjà fini, parfois on n’a pas envie que cela s’arrête, surtout lorsque c’est si bon et si beau !
Nous partageons un dernier verre avec Gilles et Alain, nos guides, nos amis de trois jours pour Gilles et de deux jours pour Alain.
Une seule envie recommencer, découvrir, voir, toujours et encore toujours.
Marie-Anne, Xavier, Gaetan et Justine vous remercient du fond du cœur pour votre accompagnement, votre solidarité, votre gentillesse.
Nous sommes heureux d’avoir réussi notre objectif avec des personnes telles que vous deux.
Infos pratiques pour notre équipe :
Montée au refuge du Goûter 3h et 2h
Montée au sommet 3h
Descente totale : 6h
Merci à mes garçons dont je suis toujours aussi fière !
Merci à Justine qui m’a totalement bluffée !
Merci à Alain le métronome qui a si bien sécurisé notre puce, la belle aux beaux yeux J!
Merci à Gilles pour ces trois jours de pur bonheur !
Marie-Anne
Bruxelles, le 8 juillet 2012
Encadrés par Gilles Raffaelli et Alain Allieux.
Les stages Mont Blanc avec la
Compagnie.