La montagne regorge de belles histoires et notamment des histoires d'amitiés entre des hommes. C'est le projet de deux amis que je vous présente aujourd'hui.
Claude et Philippe, amis dans la vie et en montagne souhaitaient réaliser un rêve commun : l'ascension du Mont Blanc.
Première rencontre avec Philippe, grâce à notre Tour de Rôle en 2009. Nous réalisons ensemble des voies d'escalade aux Chézerys ,dans les Aiguilles Rouges et au cour des discussions,
Philippe me parle de Claude qui souhaite se joindre à nous. Ils sont débutants en alpinisme, mais ils sont sportifs, s'entraînent, grimpent un peu en salle et surtout ils sont passionnés de
montagne sous toute ses formes.
Ils me parlent de leur projet de faire l'ascension du Mont Blanc, le toit de l'Europe.
Nous élaborons ensemble un programme sur une année afin de les préparer au mieux et de mettre toutes les chances de leur côté dans le but de réaliser leur rêve, mais surtout de faire cette
ascension dans de bonnes conditions.
Devenir de vrais alpinistes pour bien vivre cette course. Etre en forme, apprendre à gérer son stress est l' objectif mais le principal est de réaliser un projet entre amis.
Nous commençons notre programme en novembre 2010 et nous nous fixons la date de notre Mont Blanc pour la fin d'été 2011. 10 mois pour peaufiner sa condition physique et réaliser une série de
courses, le temps de quelques week-ends.
La Mer de Glace pour son école de cramponnage.

Du ski de randonnée pour affiner sa condition physique et tester son matériel à la neige et au froid.
L'arête des Cosmiques, course d'altitude de niveau AD, pendant l'hiver.

La Petite Verte, pendant que des milliers de skieurs dévalent les pistes des Grands Montets.

La traversée de la Pointe Lachenal.

Et nous nous retrouvons pour les quatre derniers jours, cette fin de mois d'août, pour réaliser notre projet.
Et la météo va, comme à son habitude , nous imposer la cadence.
Premier jour à la Traversée des Crochus dans une ambiance exceptionnelle: il neige fort pour un 27 août et nous nous retrouvons dans des conditions hivernales. Ambiance, ambiance...

Le deuxième jour le temps est radieux et nous effectuons la traversée de la Vallée Blanche ainsi que l'ascension de l'aiguille de Toule.


Le grand jour est arrivé : départ à la benne, à 8h. La météo est belle, il fait doux, le vent est modéré en altitude et l'équipe est en forme. Tout s'annonce pour le mieux.

Nous franchissons à 11 heures l'épaule du Tacul. Tout va bien. Notre rythme n'est pas très rapide mais régulier. Cette première partie est en bonne condition, la trace est large et la dernière
avalanche a bien comblé la rimaye que nous passons sans encombre.



13 h, Nous sommes au sommet de l'épaule du Maudit. Malgré les croisements des cordées qui redescendent, notre progression est régulière et nous apercevons la dernière partie, le mur de la Côte et
les dernières pentes menant au sommet.
Le moral est bon.
Nous atteignons le col de la Brenva, petite pause casse-croûte car nous marchons depuis 5 heures. Claude commence à manifester des signes de fatigue et surtout les premiers signes de mal
d'altitude.
Nous repartons pour franchir la dernière difficulté de cet itinéraire, le mur de la Côte : une pente de neige et glace à 50°. La trace est belle et nous devrions mettre pas plus de 20
minutes.
Mais au fil des pas, Claude n'avance plus et se prends comme on dit "un bon coup de bambou"!
Mal de tête, lassitude, signes de nausée!
C'est la panne sèche. Tout les alpinistes ont connu cette situation un jour dans leur carrière.
Claude souhaite s'arrêter et nous attendre le temps que nous effectuions le sommet avec Philippe. Mais en haute montagne, les choses ne peuvent pas se passer comme cela. Nous sommes solidaires,
nous formons une cordée et il est hors de question de laisser quelqu'un seul à 4400 mètres, dans la neige, au vent , au froid et dans un état physique pouvant devenir inquiétant.

Après avoir mangé quelques aliments énergétiques et pris un peu de repos, nous décidons de faire demi-tour à seulement quelques centaines de mètres du sommet. Mais la prudence nous l'imposait car
nous avons encore 4 heures de marche pour revenir au refuge des Cosmiques.


Certains peuvent voir cette situation comme un échec. Claude et Philippe ont quant à eux choisi de voir les côtés positifs de cette fabuleuse expérience. Ils ont découvert leurs limites physiques
et psychologiques, ils sont devenus au fil de cette année des alpinistes, ont découvert cet univers de la haute montagne, l'ambiance des refuges et les liens qui les unissaient se sont encore
renforcés.
Et le Mont Blanc sera toujours là pour lui lancer peut être un nouveau défi.
Par Eric Favret, guide de haute montagne.