Objectif Kyashar 6770 m.
Nous sommes arrivés, Mathieu Détrie, Pierre Labbre et moi-même en avion à Lukla, dans le bas Kumbhu, le
premier octobre. Ensuite quatre jours de marche en direction du Kyashar, 6770m, que nous n'avons vu qu'en photo pour le moment. C'est une belle pyramide située juste en face du Mera peak, sommet
de 6000m connu des trekkers. On installe le camp de base au pied de la montagne à 4300m et par chance juste à côté d'un village, ce qui se révèlera décisif par la suite pour la recharge du PC qui
nous permet de regarder des films pendant les longues journées d'attente.
Un jour après être arrivé au CB, je tombe malade et ne suis vraiment pas bien pendant une semaine.
Après quelques jours on est prêt pour commencer l'acclimatation, on part alors vers le Kusum Kanguru, 6400m, tous les trois avec Chandra, notre guide népalais. Il est guide de trek mais voudrait
devenir guide de haute montagne, il lui semble intéressant de venir avec nous: il ne sera pas décu !
Partis un peu trop tard, on patauge dans la neige molle à 5500m d'altitude : il fait très chaud en ce moment et il n y a quasiment pas de regel la nuit. De plus, nous pensions ouvrir une petite
voie facile qui mène à un col et permettant de rejoindre la fin de la voie normale. C'était faire un peu trop confiance à la carte népalaise au 1/100 000ème : le col mène en fait à une raide
brèche surmontée de plusieurs centaines de mètres de rochers très raides, un petit big wall en fait... Pas rancunier, Chandra nous dit avoir beaucoup appris en marchant au milieu des crevasses.
Nous nous sommes un peu acclimatés: deux nuits a 5500m.
De retour au CB, nous voyons passer de nombreux groupes redescendant victorieux du Mera peak. Quelques uns des participants n'ont vraiment pas l'air sportifs ou sont très âgés, alors on se dit
qu'on aura peut être plus de chance ici qu'au Kusum. On fait le sommet en trois jours par la voie normale (marche) ce qui nous permet de dormir à presque 6000m et de grimper à 6470m. Du sommet le
panorama est splendide : c est la première fois pour Pierre et moi que nous voyons tous ces sommets gigantesques : Kenchenjunga, Makalu, Lotse, Everest, Nuptse, Cho oyu. L'air est limpide.
Le seul hic est que je suis toujours malade et parfois fièvreux. je ne me sens pas en grande forme.
Retour au CB, quelques jours à se reposer puis on prépare les affaires.
Le 23 octobre, on part pour le pied de la face. Chandra nous aide à monter des affaires : on aura environ 20kg par pers, incluant la nourriture et le gaz pour 5 jours en montagne, ce qui n 'est
pas très lourd puisque un grande partie de ce materiel est portée au baudrier.
Premier jour.
Le 24, tôt, on remonte le cône de neige qui donne accès à la ligne que nous avons repérée. C'est une ligne mêlant escalades mixtes (qui semblent difficiles) et parties neigeuses. Il apparaîtra
que la neige est raide, souvent 70 degrés (selon nous), ce qui nous a forcé à faire des longueurs tout du long.
Quelques pentes faciles au-dessus du cône de neige nous mènent au pied d'un ressaut vertical de trois longueurs que nous mettons du temps à passer. Ensuite nous tentons de rejoindre le lieu de
bivouac que nous avions repéré. Il se trouve que c'est loin et on doit grimper 3 heures de nuit pour l'atteindre. Je recommence à avoir de la fièvre, j'ai froid en grimpant en doudoune... J'en ai
vraiment bavé pour finir cette journée. Le soir au bivouac je suis certain de faire demi-tour et redescendre le lendemain, mais ils s'occupent bien de moi, me font à manger et on ne dort pas si
mal finalement : on est parvenu à poser la mini tente. On a grimpé 700m, ce qui est pas mal, on pensait le bivouac moins loin.
Curieusement je ne me sens pas trop mal le lendemain matin et nous continuons.
Deuxième jour.
Quelques courtes mais difficiles longueurs que Pierre négocie comme un chef et nous revoilà dans les pentes de neige raides difficiles à protéger : on vise les rochers tant que possible pour
poser les friends et quand ce n'est pas possible, on plante des pieux à neige. A la nuit nous trouvons un vague emplacement pour le bivouac mais impossible de mettre la tente. on ne la mettra
d'ailleurs plus par la suite. On s'endort sur nos petites plate-formes de rocher, pas super à plat, mais il n y a pas mieux. On n'a pas pris beaucoup de hauteur aujourd hui : il y avait beaucoup
de traversées difficiles, de bandes de rochers raides à contourner... on a pris 200m.
Troisième jour.
Des longueurs de mixte alternent avec des pentes de neige raides. On passe une partie de l'après-midi dans un gros nuage neigeux qui nous envoie des spin drifts. Au soir le temps redevient clair mais on ne trouve pas d'emplacement de
bivouac, vraiment rien. On s'arrête juste avant la nuit pour tailler dans la pente une petite plate-forme. Je recommence à avoir froid et des frissons, je pense que j'ai de la fièvre. Je n'avais
jamais senti cette sensation en montagne et c'est assez désagréable de se sentir aussi faible. Le bivouac n'est pas grand : on dormira assis, enfoncés jusqu'à la taille dans la tente sans arceaux
pour se tenir chaud. La nuit est superbement claire et les sommets autour grandioses. On en a d'ailleurs bien profité puisqu'on a pas beaucoup dormi. On est à 6350m, nous avons grimpé 1200m
depuis l'attaque et le sommet semble vraiment proche. Il nous reste seulement 300m difficiles puis 100m de neige.
Quatrième jour.
Au réveil, je me sens mal, vide d'énergie et de motivation : drôle de sensation. Mathieu va moyennement bien, Pierre est ok. Mais je ne peux pas continuer, j'ai peur que ce soit trop risqué
: je n ai plus confiance dans la force qui me reste, et la descente du sommet étant complexe, on ne peut pas arriver au sommet complètement cuits. On est d'accord et cela nous semble trop engagé
de continuer. On décide donc de descendre, un peu frustrés.
J'équipe la longue descente en rappels qui mène à l'épaule de neige, puis de là, nous descendons à pied par le glacier tourmenté au nord de la montagne. La descente assez complexe nous a
pris toute la journée. On est de retour au CB le soir, 5 jours après l'avoir quitté.
Ce que nous avons grimpé est beau, le rocher jamais trop mauvais, souvent bon même. La difficulté serait ED, et soutenue. Ce n'est pas une ligne très évidente, la montagne n'en offre d' ailleurs
pas vraiment. Cela rappelle un peu la face nord de l'Eiger tant en hauteur qu'en logique d'ascension (beaucoup de traversées, peu de lignes verticales directes).
C'est un beau challenge sur une belle montagne !
Le retour de Lukla a peut être été encore plus dur : un mauvais temps exceptionnel a sévi sur Lukla, avec beaucoup de jours de brouillard, rendant le retour à Kathmandu par avion impossible.
Après avoir attendu 5 jours que le temps s'améliore, on craque et on décide de revenir à pied : un peu plus de 100km et 5000m de dénivelé de marche en un jour et demi, suivis de 10h de bus en
folie au lieu de 45 min d'avion...mais c'est beau !
On a fait un beau voyage, heureux d'avoir grimpé ensemble. On a aussi pas mal appris. J'ai su plus tard que d'autres personnes ont eu la même chose que moi, un virus chopé ici sans doute.
Ca fait pareti du voyage, je ramennerai un souvenir !
Jérôme Para.
Jérôme (au centre) et Pierre (à droite)
lors de leur super intégrale de Peuterey et d'une ouverture d'une
nouvelle voie au Freney.
Il étaient accompagnés à cette occasion d'Aymeric (à gauche).
Pierre et Mathieu lors de l'ouverture de "Chauve qui peut" dans la face nord de l'Olan.
Lukla et son "aéroport" par beau temps
(en 1990).